0-0-0
Le 17 octobre 2022, cela fait six mois déjà, au moment ou je met en ligne cette publication, que nous apprenions avec une très grande tristesse, la disparition d’un des personnages le plus atypique que j’ai eu à rencontrer sur le Canal du Midi, Robert Mornet.
A son crédit, la construction d’une réplique d’une embarcation de 1818 qui transportait les passagers sur le cours d’eau, en partant d’une « page blanche », par ce qu’au départ, il n’avait aucune connaissance dans la construction navale. C’est en se documentant consciencieusement avant, puis au fur et à mesure de la construction de son chef-d’œuvre, qu’il a pu réaliser cette réplique à l’identique. Sa seule concession au monde moderne aura été l’ajout d’un moteur.
Commencée en 2006… dans son jardin près du Vigan, c’est à dire loin du Canal du Midi, l’embarcation fut mise à l’eau en 2011 à Sète après avoir été transportée par convoi exceptionnel depuis son lieu de construction d’origine.
Un précepte qui lui tenait beaucoup à cœur était celui de « transporter les idées et les hommes », et c’est pourquoi il naviguait régulièrement à la belle saison sur le Canal du Midi et organisait des visites sur sa barque.
Il ne se contentait pas que du canal de Riquet puisqu’il l’emmenait aussi ailleurs, je pense à la Loire notamment. Il m’avait aussi évoqué, l’idée du Canal de Panama mais je ne suis pas certain qu’il ait eu la possibilité de concrétiser cette intention.
0-0-0
0-0-0
Ma première rencontre avec Robert a eu lieue en 2014 en compagnie de Jean-François, un « compagnon de route du net » d’autrefois, avec lequel j’ai collaboré sur son blog du canal du Midi pendant sept ans, mais qui a été peu à peu rattrapé par ce que j’appellerais le « grand découragement » alors qu’il avait mis en place des outils magnifiques et sur des sujets divers et variés, sur les thèmes de la Garonne, de l’Albigeois, et de Louisa Paulin, une poétesse occitane.
Jean-François, Robert et moi-même avions « refait le monde », et il m’a beaucoup appris concernant ce canal et le fonctionnement de ces barques de poste.
0-0-0
0-0-0
Voici ce que j’ai pu en retenir :
Tout d’abord, le terme « poste » appliqué à cette barque, qui n’a très certainement jamais transporté de courrier, correspond à une unité de mesure de 4 lieues soit 15,2 km environ. Cependant, la lieue n’était pas uniforme à travers le pays et 4 lieues correspondaient plutôt, selon les dires de Robert, à une distance entre 12 et 14 km dans le Languedoc.
Les origines sociales et professionnelles des passager(e)s étaient variées, du temps de ce moyen de transport le plus sur et le plus rapide pour aller de Toulouse à Sète. Il y avait même une première classe. Les riverains côtoyaient aussi bien des artisans, commerçants, magistrats, militaires, marins etc…
Tous les passagers pouvaient emprunter les barques de poste sauf ceux qui exerçaient la profession de bourreau.
Les barques partaient du Port Saint-Sauveur à Toulouse (1ère planche de photos ci-dessous), et arrivaient au port d’Agde (2ème photo ci-dessous), juste avant l’écluse ronde (pièce graphique ci-dessous).
0-0-0
0-0-0
0-0-0
0-0-0
Une embarcation ne franchissait pas d’écluse à partir de 3 bassins, pour économiser de l’eau. Ce qui revient à dire que, depuis Toulouse, les correspondances étaient assurées. Je conclue donc, qu’en cumulant ces correspondances, les dinées et les couchées, 11 barques étaient nécessaires pour l’intégralité du trajet jusqu’à Age.
0-0-0
0-0-0
J’en déduis donc que le voyage devait se dérouler de la façon suivante. Si un lecteur ou une lectrice plus calé(e) que moi sur le sujet m’indique d’éventuelles erreurs, je suis prêt à les corriger suivant les informations qui me seront fournies.
1er jour : Toulouse Castelnaudary.
0-0-0
0-0-0
1ère barque : du Port Saint-Sauveur à l’écluse de Négra (dînée). Pour rappel, « dînée » signifiait « déjeuner ».
2ème barque : de l’écluse de Négra à l’écluse de Laurens, à 3 bassins, située sur le versant méditerranéen.
3ème barque : de l’écluse de Laurens à l’écluse de Saint-Roch à Castelnaudary, à 4 bassins (couchée).
0-0-0
2ème jour : Castelnaudary-Trèbes.
4ème barque : de l’écluse de Saint-Roch à l’écluse du Vivier, à 3 bassins.
5ème barque : de l’écluse du Vivier à l’écluse de Béteille (dînée).
6ème barque : de l’écluse de Béteille à l’écluse de Trèbes, à 3 bassins (couchée). Il est à noter que jusqu’en 1810, le canal ne traversait pas Carcassonne.
0-0-0
0-0-0
3ème jour : Trèbes-Le-Somail.
7ème barque : de l’écluse de Trèbes à l’écluse de Fonfile (ou Ranchin), à 3 bassins.
8ème barque : de l’écluse de Fonfile (ou Ranchin), au cabaret de La Redorte, sur le bief de Jouarres (dînée).
9ème barque : du cabaret de La Redorte, sur le bief de Jouarres, au Somail, sur le grand bief (couchée).
0-0-0
0-0-0
4ème jour : Le-Somail-Agde.
10ème barque : du Somail aux escalier d’écluses de Fonsérannes, à Béziers (dînée).
Diligence pour parcourir les 700 m entre le point culminant des escaliers d’écluses à l’écluse Notre-Dame.
11ème barque : de l’écluse Notre-Dame à Agde, en passant par le site remarquable que sont les ouvrages du Libron.
0-0-0
0-0-0
Agde était la 4ème couchée pour les voyageurs qui poursuivaient vers Sète.
0-0-0
Au fur et à mesure des années, mieux aménagées et plus sures, les barques de poste sont devenue plus rapides, et il n’était plus question d’en changer aux écluses à bassins triples. Le remplacement des chevaux par des moteurs, et la mise à flot des derniers modèles à quille, plus maniables et pouvant transporter jusqu’à 135 passagers, ont permis à ces embarcations de relier Toulouse à Sète en 36 heures à partir de 1834. L’objectif de rapidité s’est faite au détriment de la recherche d’économie d’eau, d’autant plus que les manœuvres d’éclusage sont devenues aussi plus rapide.
L’arrivée du chemin de fer aura sonné le glas du mode de transport des barques de poste et en 1858, un an après l’ouverture de la ligne Toulouse-Sète, le service s’est arrêté définitivement. A noter aussi que c’est en 1858 qu’a été mis en service l’aqueduc de l’Orb, lequel complété par la porte de garde du Pont Rouge permet, depuis, de protéger le Canal du Midi des crues du fleuve.
0-0-0
C’est tout, pour le moment !!!
Nicolas globe croqueur (et photographe).
0-0-0
Mes publications à propos de Robert Mornet :
2020 : « Construire un bateau dans les Cévennes.
2016 » J’ai rencontré Robert Mornet » , un petit film de Roger Closset , vidéaste belge.
2015 : « La Barque de poste 1818 en aquarelles ».
2014 : Capestang et la Barque de Poste.
Une vidéo :
0-0-0
0-0-0
Une vidéo plus ancienne :
0-0-0
0-0-0
Autre vidéo : « La Belle Dame de Robert Mornet ».
0-0-0
L’hommage du « Midi Libre » du 21 octobre 2022.
0-0-0